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LA SANTÉ.

Ce fut par la voix publique que l’on y apprit les évènements du 18 mars ; le poste était gardé par des soldats de la ligne, qui, dans la matinée du 19, se retirèrent en bon ordre et ne tardèrent pas à être remplacés par des fédérés venus du ixe secteur, dont l’état-major était installé à la manufacture des Gobelins. Vers cinq heures du soir, une rumeur extraordinaire s’éleva dans la rue de la Santé, passa par-dessus les murs de la prison, et vint troubler le personnel de la surveillance, du greffe et de la direction. Une foule évaluée à 5000 ou 6000 personnes, femmes, enfants, ouvriers, gardes nationaux, poussait vers la grille de la prison, quatre officiers, reconnaissables à leurs uniformes en lambeaux. Cette bande s’acharnait principalement contre un lieutenant général, assez grand, blond, chauve, de figure énergique, âgé de quarante-huit ans environ, qui restait impassible sous les coups et les insultes dont on l’accablait. C’était le général Chanzy. À ses côtés et non moins maltraité, marchait le général de Langourian ; puis venaient M. Ducauzé de Nazelles, capitaine du 5e lanciers, et M. Gaudin de Villaine, lieutenant au 75e de marche. Trois hommes faisaient effort pour les protéger contre la foule : c’étaient Léo Meillet, maire du xiiie arrondissement, Comte[1], adjoint, et Sérizier, commandant du 101e bataillon, appartenant au ixe secteur.

Cette masse de peuple était rendue terrible par un accès de fureur spontané. On voulait tuer les généraux et on ne savait même pas leurs noms. On criait : « À mort Ducrot ! à mort Vinoy ! à mort Aurelle de Paladines ! à mort les traîtres et les vendus ! Vous nous avez fait manger de la paille ! Prussiens ! capitulards ! À mort !

  1. M. Comte (Narcisse-Désiré) fut blessé au menton en protégeant le général Chanzy.