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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/196

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LA SANTÉ.

État-major de la garde nationale, xiiie arrondissement. » — Un ordre identique concernait MM. de Langourian, Ducauzé de Nazelles et Gaudin de Villaine. Ces mandats d’arrestation étaient d’une indiscutable illégalité, mais ils se trouvaient appuyés par une telle force armée, qu’il n’était pas possible de se refuser à les exécuter ; c’eût été exposer inutilement sa vie et celle des prisonniers. M. Lefébure le comprit, et dès lors, connaissant bien les foules, sachant qu’elles s’apaisent souvent lorsqu’elles n’ont plus sous les yeux l’objet de leur haine irraisonnée, il résolut de faire incarcérer les quatre prisonniers le plus rapidement possible.

Ce n’était point aisé, car les fédérés les serraient de près et ne paraissaient guère disposés à les perdre de vue. L’hiver, sans charbon et sans bois, avait été très dur à la Santé ; pour abriter ses détenus contre le froid, M. Lefébure avait, dans les premiers jours de décembre 1870, fait construire des cloisons en planches à l’entrée des galeries cellulaires ; la porte la plus voisine du rond-point, où se tenaient les officiers, entourés des gardes nationaux, était celle de la quatrième division. Sur un signe des yeux fait par M. Lefébure au brigadier Adam, compris par celui-ci, les généraux Chanzy, de Langourian et leurs deux aides de camp furent brusquement saisis par les gardiens et entraînés vers la porte qu’un surveillant se tenait prêt à ouvrir ; Sérizier, lançant ses poings en avant, fendit la foule qui criait de nouveau : « À mort ! à mort ! » Les prisonniers franchirent la cloison, dont la porte fut immédiatement refermée derrière eux ; ils étaient sauvés. M. Lefébure avait remarqué l’influence que Sérizier exerçait sur les fédérés ; il lui dit que son éloquence seule pouvait faire évacuer la prison et permettre d’assurer le salut des officiers auxquels il s’intéressait. Sérizier ne se fit pas prier ; il dégorgea une allocution et jura qu’aucun « capitulard » n’échap-