Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
LA SANTÉ.

ils ne semblaient pas convaincus, se regardaient entre eux et hochaient la tête ; un d’eux toucha le mort et dit « Il est froid. » Cette expérience ne parut pas suffisante, car un peloton suivit le corbillard jusqu’au cimetière d’Ivry, jusqu’au Champ de navets. Lorsque six pieds de terre eurent été versés sur la bière, ils furent rassurés et se dirent : « Décidément ce n’était pas Chanzy. »

Le même soir, le directeur avait été mis au secret dans son cabinet ; les fédérés s’y étaient établis, décachetaient les lettres, recevaient les visites, donnaient des ordres et devenaient une sorte de direction multiple qui ne facilitait pas le service. Dans la soirée, le général Cremer revint avec deux autres personnes (MM. Eugène Delessert et Arronsohn) portant une autorisation du Comité central pour voir M. Chanzy. Les fédérés renouvelèrent leurs difficultés ; ils parlaient de trahison, d’évasion, et résolurent, comme toujours, d’aller consulter les officiers du secteur. Le commandant Cayol vint lui-même examiner la permission, la retourna dans tous les sens ; elle était précise. À onze heures du soir, il prend son parti et emmène les visiteurs à la Préfecture de police, afin de consulter Duval. Personne ne revint, car les délégués n’obéissaient pas plus au Comité central que les officiers n’obéissaient aux délégués. Cette comédie se renouvela pour le général Chanzy jusqu’au jour de son élargissement. Celui de M. Lefébure était venu ; le 23 mars, au matin, il fut destitué et remplacé par Augustin-Nicolas Caullet, auquel sa parenté avec Duval méritait cette aubaine. La nomination était signée de Raoul Rigault. M. Lefébure présenta le personnel à son successeur, lui disant : « Ce sont des hommes honnêtes, dévoués, connaissant très bien le service et sur lesquels on peut compter ; je vous les recommande. » Heureusement pour les détenus de la Santé, Caullet