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LA SANTÉ.

munard, il devait à sa propre sécurité de professer l’athéisme ; mais, entraîné par un bon sentiment, il oublia les ordres de Rigault, oublia le danger auquel il s’exposait et permit à M. Icard de dire quotidiennement la messe dans la sacristie de la chapelle. Ce fut probablement un matin qu’il accorda cette autorisation, sur laquelle il ne revint jamais. Du reste, dans cette bonne œuvre tout le personnel était son complice et lui garda le secret.

Il n’était pas toujours aussi bienveillant, et l’un de ses détenus, M. Claude, eut parfois à souffrir de son indiscrétion. Le soir, lorsque Caullet recevait ses amis et ses amies, lorsque beaucoup de bouteilles arrivées pleines s’en étaient allées vides, il faisait les honneurs de la prison à ses invités ; il les conduisait à la cellule de M. Claude, et, leur montrant le chef de la sûreté, qui avait pris l’habitude de dormir tout vêtu, il disait : « Le voilà ! c’est lui ! il appartient à la justice du peuple ! » Ces démonstrations, qui cependant n’étaient que le fait d’une curiosité inconvenante, ne rassuraient pas M. Claude et le surprenaient, car Caullet, aux heures matinales de la complaisance, s’était montré empressé pour lui et l’avait même autorisé à recevoir les visites de sa femme.

M. Claude était l’objet des préoccupations des greffiers et des surveillants, qui auraient voulu le sauver. Un complot avait même été formé dans ce dessein. M. Laloë s’était procuré un uniforme d’officier fédéré ; on comptait l’en revêtir. On l’eût fait évader un soir pendant que Caullet eût été à la Préfecture de police ou endormi devant son verre. Un peu de réflexion fit renoncer à ce projet. Quelques soins que l’on pût prendre, l’évasion d’un otage aussi important que le chef de la sûreté aurait été promptement connue du directeur de la prison d’abord, et ensuite de Raoul Rigault. Ce