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LES DÉTENUS.

bien « bouclés » dans leur cellule ; il parlait des incomparables destinées que la Commune préparait à la France : il disait : « Soyons fermes, brisons la réaction ! » C’est qu’il avait le vin mauvais, comme l’on dit, et qu’il revenait de la Préfecture de police, où il avait entendu pérorer Raoul Rigault.

Ce pauvre Caullet éprouva une déconvenue qui lui fut pénible. Il avait senti la nécessité d’affirmer aux yeux de tous son titre de directeur et d’en porter ostensiblement les insignes. Il alla chez un des meilleurs chapeliers de Paris et se fit confectionner un képi de commandant, à quatre galons. La facture s’élevait à 24 francs, qu’il paya ; puis, réfléchissant que la Commune s’était engagée à faire le bonheur du peuple, et que son bonheur personnel consistait à se coiffer d’un képi galonné, il envoya la quittance à la Préfecture de police, avec demande de la lui rembourser. On ne sait quelle mouche piqua le directeur du matériel, qui répondit : « Le citoyen directeur est prié de payer lui-même la facture, l’ex-préfecture n’étant pas tenue de l’habiller. » Ce fut là un chagrin pour Caullet, qui n’y comprenait rien et répétait : « Est-ce que l’on doute de mon dévouement ? » Il n’avait pêché que par naïveté ; s’il eût réquisitionné son képi, c’eût été régulier et, sans soulever la moindre objection, l’on eût « passé les écritures »

Le 7 avril, sept otages nouveaux vinrent prendre place dans la division cellulaire ; c’étaient des gendarmes qui se trouvaient confondus, par le hasard des séquestrations arbitraires, avec MM. Icard, directeur, et Roussel, économe du séminaire Saint-Sulpice. À propos de ces deux derniers détenus, on put voir que Caullet avait une mansuétude naturelle qu’il était facile d’émouvoir. Par fonction, il était tenu d’obéir aux instructions de Raoul Rigault ; comme employé du gouvernement com-