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LA SANTÉ.

écrouer un ouvrier chaudronnier, qui avait commis un vol insignifiant dans les ateliers du chemin de fer d’Orléans. Le colonel Chardon n’était autre que ce chaudronnier. C’était du reste un homme dans lequel on pouvait avoir confiance ; au mois d’avril, il avait été passer quelques jours à Genève et en avait rapporté vingt passeports suisses, qui plus tard ne furent point inutiles à ses amis.

Le 13 mai, une fournée d’otages fut amenée à la Santé. Quarante-sept gendarmes, occupant la caserne des Minimes, avaient, le 18 mars, refusé de se rendre, et, encore plus, de faire cause commune avec l’insurrection. Depuis ce temps, on les gardait à vue ; un poste de fédérés était établi près d’eux, des sentinelles surveillaient les portes ; on leur avait accordé ainsi une sorte de liberté relative, qui parut excessive au moment où l’on avait à redouter un effort de l’armée française ; il fut donc décidé qu’ils seraient écroués à la Santé. Deux jours après, neuf otages furent encore mis sous les verrous ; parmi eux on comptait le suisse de Notre-Dame de Lorette et M. d’Entraigues, conservateur du mobilier de la liste civile, qui s’était permis de refuser du linge à la fille Victorine-Louise Louvet, maîtresse du général Eudes.

La présence des gendarmes incarcérés à la Santé fut une cause de péril pour la prison, péril que Caullet, soufflé par les greffiers, réussit à conjurer. Le 19 mai, cent soixante fédérés, venant du ixe secteur, ivres pour la plupart, commandés par Jollivet, envahirent la maison, en vertu d’un ordre de Cayol, le bras droit et au besoin le suppléant de Sérizier. Le prétexte donné à cette irruption était qu’il fallait surveiller et déjouer un complot formé par les gendarmes ; que ceux-ci étaient des otages appartenant au peuple, et que le peuple avait pour devoir de ne les point perdre de vue. Sérizier, en