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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/217

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LES DÉTENUS.

homme prudent, connaissant la chute du fort d’Issy, sachant que le gouvernement de Versailles allait agir avec vigueur, car, deux jours auparavant, le 17, il avait reçu une forte somme pour livrer une porte qu’il n’avait point livrée[1], Sérizier, n’ignorant pas qu’en cas de défaite la Commune fusillerait les otages, avait envoyé des hommes sûrs à la Santé afin d’avoir un peloton d’exécution à ses ordres quand le moment serait venu. L’état d’ivresse de presque tous les fédérés ne permettait pas de raisonner avec eux. Caullet était perplexe.

Les trois greffiers et le brigadier, un vieil Alsacien intrépide nommé Adam, comprirent qu’il fallait louvoyer, et que l’on risquerait d’échouer en attaquant directement l’obstacle. On fit bonne figure aux hommes du secteur ; on leur expliqua et ils comprirent, tant bien que mal, que leur présence au rond-point et dans les corridors neutraliserait le service ; on redoutait de les voir se promener en armes devant les cellules, car, dans ce temps-là, les fusils partaient volontiers tout seuls, et on les décida à établir leur poste dans la chapelle. Ils y furent mal couchés, car on n’avait pas de lits à leur donner ; ils y furent mal nourris, encore moins abreuvés, car la prison ne recevait que les vivres déterminés pour les détenus. En causant avec eux, et sans paraître y attacher d’importance, on leur disait que les prisons étaient du ressort de Ferré, délégué à la sûreté générale, qui ne supportait pas que l’on empiétât sur son pouvoir et ferait peut-être payer cher, non pas à Sérizier, mais aux subordonnés de celui-ci, la fantaisie qu’ils avaient eue de se substituer à son autorité. Le lendemain, 20 mai, ils étaient fatigués, ennuyés, altérés. On raconta négligemment devant eux

  1. Enquête parlementaire sur le 18 mars ; dépositions des témoins ; déposition de M. Ossude.