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LA SANTÉ.

dans une circonstance qu'il est pénible de rappeler. C’est lui qui, complice de Félix Pyat, a publié dans le Vengeur des pièces sous lesquelles l’honorabilité de M. Jules Favre a sombré et dont l’Empereur Napoléon iii, qui les connaissait, avait interdit la divulgation. C’était là une œuvre de perversité, dont les suites aboutirent au procès que la cour d’assises de la Seine jugea dans son audience du 6 septembre 1871. On a dit que le 23 mai, place du Panthéon, Millière avait fait fusiller une trentaine de fédérés qui refusaient de se battre. Ce fait est-il vrai ? Nous l’ignorons ; mais on peut affirmer que celui qui se ravala jusqu’à être le compagnon de Sérizier pendant la soirée du 22, était capable de tout. Lorsqu’il mourut, il tomba en criant : « Vive l’humanité ! » Parole trop vague pour n’être pas puérile, et qui dénote simplement la vanité théâtrale de celui qui la prononça ; à moins, comme on l’a prétendu, que cette parole ne fût une sorte de mot de ralliement adopté par les membres de l’Internationale[1].

Cependant Sérizier ne s’apaisait pas ; il argumentait contre Caullet, qui lui tenait tête. Le raisonnement de celui-ci était fort simple : « Je dois compte de mes détenus à la Préfecture de police qui me les a confiés, je n’ai pas à obéir à des chefs de légion. J’ai été soldat et je connais la discipline ; j’ai reçu des ordres éventuels, je les exécuterai quand le moment déterminé

  1. On a essayé de nier la présence de Millière — je dis Jean-Baptiste Millière, né à La Margelle (Côte-d’Or), le 13 décembre 1817, fils de Claude et d’Anne Meunier — à la prison de la Santé en compagnie de Sérizier ; c’est enfantin. Sérizier lui-même n’en fait point mystère devant le 6e conseil de guerre, siégeant à Versailles, en l’audience du 8 février 1872. (Voir la Gazette des Tribunaux du 9 février 1872, p. 135, 2e colonne.) On a tenté aussi de le confondre avec Frédéric Millière, chef de la dix-huitième légion, qui fut acquitté par la justice militaire ; aucune de ces suppositions peu désintéressées ne tient devant la réalité des faits.