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L'ORDRE D'EXÉCUTION.

sera venu. » Une lueur traversa l’esprit de Sérizier. « Est-ce que tu as gardé ton ancien personnel ? — Oui. » Sérizier injuria Caullet, lui dit qu’il avait manqué à tous ses devoirs, car on lui avait prescrit de renvoyer tous les surveillants. Caullet nia le fait, et une violente discussion s’engagea. Caullet, pour prouver qu’il ne mentait pas, fouillait dans les tiroirs, et enfin, triomphalement, montra un papier : « 7 avril 1871. Le citoyen Caullet, directeur de la prison de la Santé, est autorisé à prendre toutes les mesures nécessaires relativement aux employés de son personnel. — Signé L. Chalain. — Approuvé : Raoul Rigault. » — « Imbécile, lui dit Sérizier, tu n’as pas compris ; il fallait les mettre tous à la porte. » Puis, se tournant vers Millière, il ajouta à voix basse : « Il n’y a rien à faire ici, allons-nous-en. » Il emporta la liste qu’il avait dressée, et, montrant le poing à Caullct, il lui cria : « Toi, je te retrouverai ! » Sérizier, Millière et l’artilleur se retirèrent. Le brigadier Adam les précéda pour leur ouvrir les portes et entra avec eux dans le poste d’entrée. La, Sérizier remit au capitaine commandant la liste des otages, et lui dit : « Vous ferez vous-même fusiller tous ces gens-là. » Le capitaine répondit : « C’est bien ! »

Le brigadier Adam ferma la porte sur ces trois personnages, qui s’éloignèrent par la rue de la Santé, dans la direction du boulevard Arago ; il attendit quelques instants, puis, s’adressant au chef de poste, il lui demanda : « Est-ce que vous aurez le courage de commettre un pareil crime ? » Le fait qui se passa alors est étrange. La compagnie qui était de garde au poste d’entrée appartenait à la garde nationale sédentaire, et était composée en majeure partie de petits boutiquiers du faubourg Saint-Jacques, hommes paisibles, faisant leur service sans entrain, alléchés par la solde et ne