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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/234

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LA SANTÉ.

sabilité qui lui incombait, obtint d’apposer les scellés sur les portes extérieures de la maison.

À sept heures du soir, les prisonniers, auxquels nul outrage ne fut épargne pendant la route, arrivèrent au fort de Bicêtre. Ils restèrent là, dans le préau, tassés les uns contre les autres, debout sous des averses intermittentes, examinés ainsi que des bêtes curieuses par des gardes nationaux qui venaient les regarder sous le nez. On les fouilla ; il faut croire que l’on mit quelque soin dans cette opération, car on enleva même une balle élastique, trouvée dans la poche d’un des enfants. À une heure du matin, on les poussa dans une casemate, où ils purent s’étendre sur le sol et appuyer leur tête contre la muraille en pierres meulières. Dès le lendemain matin, le prieur et le père Cotrault, procureur, demandent avec autant d’énergie que de naïveté à être interrogés ; ils veulent savoir pourquoi ils sont détenus, enfermés dans une forteresse, traités comme des prisonniers de guerre ; on leur répond : « Ça ne vous regarde pas, » et lorsqu’ils insistent, on leur chante des couplets si particulièrement grivois, qu’ils sont obligés de se boucher les oreilles. Le 21 mai enfin, on conduit dans le fort même de Bicêtre le père Captier devant un tribunal composé du seul Lucipia. À toutes les questions qui lui sont adressées, celui-ci répond d’un ton goguenard : « Mais de quoi vous inquiétez-vous ? Vous n’êtes pas accusés ; la justice a des formalités auxquelles nous sommes contraints de nous soumettre ; vous avez vu l’incendie, le prétendu incendie du château de la Place, vous savez parfaitement que c’était un signal destiné aux Versaillais ; nous vous gardons simplement comme témoins, afin que vous puissiez déposer lorsque nous instruirons l’affaire. »

Ces formalités de justice paraissaient étranges aux dominicains, qui ne cessaient de réclamer leur liberté ;