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LES DOMINICAINS D’ARCUEIL.

Léo Meillet se déclarait impuissant à la leur rendre ; il disait qu’il n’avait agi qu’en vertu d’ordres supérieurs expédiés par le Comité de salut public. On était sans doute fatigué des réclamations que les pères adressaient aux gens qui les gardaient et l’on voulut mater leur résistance, car on les laissa deux jours entiers, le 22 et le 23 mai, sans nourriture. Pendant qu’on les faisait un peu mourir de faim au fond de leur casemate, on procédait dans l’école d’Albert le Grand à ce que l’euphémisme de la Commune appelait une perquisition, c’est-à-dire à un vol avec effraction. Sur l’ordre de Léo Meillet, le 120e bataillon, aidé de deux cents hommes empruntés au 160e, pénètre le 24 mai à midi dans la maison des dominicains. Les scellés sont brisés, les portes sont enfoncées, tous les objets de quelque valeur sont enlevés. Il ne fallut pas moins de douze prolonges d’artillerie et de huit voitures réquisitionnées pour emporter les meubles, le linge et le reste ; 15 000 ou 16 000 francs, représentés par des obligations de chemins de fer et constituant les économies de deux domestiques attachés à la maison, furent déclarés « biens nationaux » et passèrent dans des poches où on ne les a jamais retrouvés. Après cette perquisition, l’école devait être incendiée, mais elle fut sauvée par ses caves, qui étaient assez bien garnies ; les fédérés n’eurent garde de ne pas les visiter ; ils y burent et y restèrent. Lorsqu’ils parlèrent de « flamber la cambuse », le gardien des scellés, qui s’appelait Quesnot[1], déclara que le fort de Bicêtre se réservait de démolir l’établissement à coups de canon. Ils acceptèrent ce mensonge pour

  1. Le 120e bataillon était commandé par un certain Quesnot ; un sous-lieutenant également nommé Quesnot servait dans le même bataillon. C’est, je crois, le sous-lieutenant qui fut gardien des scellés à l’école des dominicains ; mais il est possible que ce soit le commandant. Je ne puis rien affirmer de positif à cet égard.