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LA SANTÉ.

d’aller chercher les calotins. Bertrand refusa d’obéir à une injonction verbale ; il voulut dégager sa responsabilité, exigea un ordre écrit et un reçu. Bobèche fut obligé de céder, il écrivit : « Je soussigne délegue comme gardien chef par le colonel Cerisier à la maison disciplinaire de la 13e légion prend sur moi responsabilité d’envoyer, pour travailler aux barricades, d’après les ordres que j’en ai reçus les vingt prisonniers écroués sous les numéros 98 à 116 : Boin. Paris, 25 mai 1871. » Bertrand alors ouvrit la porte de la geôle et Bobèche cria : « Allons, vieilles soutanes, levez-vous et arrivez à la barricade ! » Les dominicains se présentèrent dans l’avenue ; ils aperçurent le détachement du 101e commandé par Sérizier.

Cette fois les dominicains se crurent perdus ; ils se trompaient, leur agonie devait se prolonger encore. Le procureur, le père Cotrault, arrivé sur le seuil de la prison, s’arrêta et dit : « Nous n’irons pas plus loin ; nous sommes des hommes de paix, notre religion nous défend de répandre le sang, nous ne pouvons nous battre, nous n’irons pas à la barricade ; mais nous sommes infirmiers et jusque sous les balles nous irons chercher vos blessés et nous les soignerons. » On allait probablement passer outre et les forcer à marcher ; mais il y eut hésitation dans le détachement des fédérés ; quelques-uns s’écrièrent : « On ne peut plus tenir à la barricade, les Versaillais y envoient trop de prunes. » Sérizier eut sans doute peur de n’être pas suivi ; il dit alors au père Cotrault : « Vous promettez de soigner nos blessés ? — Oui, nous le promettons, répondit le procureur, et du reste vous savez que nous l’avons toujours fait ! » Sérizier fit un signe à Bobèche, qui réintégra les dominicains dans la geôle. Ils ne se faisaient plus d’illusion ; ils se mirent en prière et se confessèrent les uns les autres.