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LES DOMINICAINS D’ARCUEIL.

qui s’avança fut le père Cotrault ; il n’avait pas fait trois pas qu’il était frappé d’une balle ; il leva les bras vers le ciel, dit : « Est-il possible ? » et tomba. Le père Captier se tourna vers ses compagnons, et d’une voix très douce, mais très ferme : « Allons, mes enfants ! pour le bon Dieu ! » Tous à sa suite s’élancèrent en courant à travers la fusillade. Une des femmes, la plus jeune, une petite blonde assez jolie, s’était postée au milieu de la chaussée, au risque de recevoir des coups de fusil ; elle chargeait et déchargeait son chassepot, criant : « Ah ! les lâches, ils se sauvent ! » Ce ne fut pas une boucherie, ce fut une chasse. Le pauvre gibier humain se hâtait, se cachait derrière les arbres, se glissait le long des maisons ; aux fenêtres des femmes applaudissaient ; sur les trottoirs, des hommes montraient le poing à ces malheureux ; tout le monde riait. Quelques-uns plus alertes, plus favorisés du sort que les autres, purent se précipiter dans les rues latérales et échapper à la fusillade. Cinq dominicains, sept employés de l’école furent abattus presque devant la chapelle Bréa ; un d’eux, secoué par un mouvement spasmodique, agitait la tête ; Sérizier cria : « Tirez, mais tirez donc, ce gueux-là grouille encore ! » On se hâta de lui obéir ; le cadavre reçut trente et un coups de fusil[1].

Sérizier était content, mais non pas satisfait. Il ordonna à ses hommes, à ses fédérés du 101e de l’attendre, car la besogne n’était pas finie. Il rentra dans la geôle, prit lui-même le livre d’écrou et se mit en devoir de faire l’appel de ceux qu’il voulait tuer ; mais il tenait à y

  1. Captier, Bourard, Delhorme, Cotrault, Chatagneret, dominicains ; — Gauguelin, Voland, Gros, Marce, Cathala, Dintroz, Cheminal, employés à l’école d’Albert le Grand ; à ces douze noms il convient d’ajouter celui de Germain Petit, commis à l’économat. C’était un jeune homme de vingt et un ans ; il put échapper au massacre dans l’avenue d’Italie et fut assassiné plus loin.