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LA SANTÉ.

pérament nerveux la rendait peut-être irresponsable. Énergie morbide qui se brisait parfois tout à coup ; celles qui avaient été les plus violentes, qui derrière les barricades avaient fait des prodiges d’intrépidité, lorsqu’elles se voyaient face à face avec un de nos soldats armé, se laissaient tomber à genoux et, les mains jointes, criaient : « Ne me tue pas ! »

Sérizier félicita les deux « héroïnes », rassembla ses fédérés, les étagea le long de l’avenue d’Italie auprès de la prison disciplinaire, fit venir son ami Bobèche et causa quelques instants avec lui. Tout l’horizon occidental de Paris disparaissait derrière la fumée des incendies ; la canonnade était si brutale que la terre tremblait. « Y êtes-vous ? » demanda Sérizier. Une des femmes riposta : « Oui, allons-y ! » Le groupe de ces assassins faisait face à la porte de la maison disciplinaire. Bobèche, qui tenait à la main son fils âgé de six ans, — il faut commencer l’éducation des enfants de bonne heure, — pénétra dans la geôle et, ouvrant la porte de la chambrée, il cria : « Allons ! les calotins, arrivez, et sauvez-vous ; il n’est que temps. » Les dominicains se levèrent, suivis des employés de l’école d’Albert le Grand ; un d’eux, se tournant vers les autres détenus, dit : « Priez pour nous ! » Ils avaient quitté le fort de Bicêtre à sept heures et demie du matin ; à onze heures on les avait vus passer sur le boulevard de la Gare[1] ; il était environ cinq heures du soir ; leur supplice avait duré longtemps, mais il allait prendre fin.

Ils se groupèrent près de l’issue donnant sur l’avenue d’Italie. Bobèche se campa sur le trottoir, ayant son fils auprès de lui ; il s’adressa aux pères de Saint-Dominique et leur dit : « Sortez l’un après l’autre ! » Le premier

  1. Procès Piffret (Joseph), débats contradictoires, 19e conseil de guerre ; 7 février 1873.