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MAZAS.


passeport ; il remit à l’employé un papier sur lequel il avait pris soin d’écrire de faux noms et de fausses qualités. L’expéditionnaire libellait le passeport sans faire d’observations, lorsque par hasard un chef de bureau vint à passer ; il jeta les yeux sur ce que l’employé écrivait et regarda Jecker, qui, dans la main gauche, tenait un papier plié. Jeker avait-il l’air troublé, son visage éveilla-t-il un souvenir ? Nous ne savons ; le chef de bureau prit le papier, l’ouvrit et vit un ancien passeport régulier au nom de Jecker. Il dit à l’expéditionnaire : « Gardez monsieur jusqu’à ce que je revienne ; » puis courant jusque chez le chef de la première division, il lui montra le passeport. Le chef de division se précipita, à son tour, chez Raoul Rigault, en criant : « Nous tenons Jecker ! — Bon à prendre ! » répondit Rigault, qui signa le mandat d’arrestation.

Pareille aventure avait failli arriver au père de M. Haussmann, qui, lui aussi, eût été « bon à prendre ». Il gravissait l’escalier de la Préfecture de police dans l’intention de réclamer un sauf-conduit pour sortir de Paris, lorsqu’il fut reconnu par un garçon de bureau nommé Mellier, qui, comprenant le danger auquel ce vieillard s’exposait, lui toucha le bras et à voix basse lui dit : « Allez-vous-en vite, suivez-moi, ou vous êtes perdu. » M. Haussmann obéit ; il rejoignit Mellier près du Pont-Neuf et apprit de lui qu'aux gens de sa catégorie on délivrait des ordres d’écrou plus volontiers que des passeports.

Mouton était bienveillant pour les otages, et faisait semblant d’ignorer que les surveillants les laissaient parfois communiquer entre eux. Il en était un que l’on s’attendait chaque jour à voir sortir de prison : c’était l’abbé Crozes, qui avait rendu tant de services aux condamnés détenus à la Grande-Roquette, car l’on savait que Rochefort s’intéressait à lui et avait essayé de