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MAZAS.

l’insistance du général Vinoy, trois fois averti par le colonel de Lochner qui commandait la forteresse[1].

Le premier individu écroué à Mazas sur mandat du gouvernement insurrectionnel est un assassin qui, arrivé le 22 mars, est mis en liberté le 23 par ordre de Ferré. Jusqu’au 29, la maison semble garder sa destination normale ; cent treize détenus y sont amenés pour meurtre, vol, vagabondage, désertion. Du 29 mars au 6 avril, le greffe chôme pour les inscriptions d’entrée. Mouton occupe ses loisirs à des dénonciations ; il écrit au directeur du Dépôt près la Préfecture de police : « Citoyen Garreau, c’est à titre de renseignement que je dis que la femme du sous-brigadier Braquond porte à manger au nommé Coré ; ainsi fais ce que tu jugeras convenable ; moi je la mettrais en état d’arrestation. Salut et fraternité. » Garreau ne tint compte de l’avis et Mme Braquond put continuer à fournir une nourriture convenable à M. Coré, à Mgr Darboy, au président Bonjean, qui étaient encore au Dépôt et n’allaient point tarder à être transférés à Mazas. Ils y arrivèrent le 6 avril en bonne compagnie. La maison d’arrêt cellulaire devenait la geôle des otages importants et l’antichambre du dépôt des condamnés, c’est-à-dire de la Grande-Roquette.

De ce jour jusqu’au 24 mai, jusqu’à la veille de la délivrance, la prison recevra cinq cent trente-deux détenus, qui tous, à des titres divers, pouvaient figurer comme prisonniers d’État. Le 10 avril, un homme de cinquante-huit ans fut écroué, qui ne dut son arrestation qu’à sa propre étourderie : c’était le banquier Jean-Baptiste Jecker, auquel la guerre du Mexique avait valu quelque notoriété. Le jour même il s’était présenté à la Préfecture de police pour demander un

  1. Voir Pièces justificatives no 6