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MAZAS.

pendant que le cordonnier Mouton était expédié à Saint-Lazare. Dès lors la maison fut tenue durement ; elle avait un maître. Aux prisonniers qui demandaient pourquoi ils étaient arrêtés, Garreau répondait : « Vous êtes bien curieux ; » à ceux qui se plaignaient, il disait : « Si vous le préférez, on peut vous casser … la tête, rien n’est plus facile. » Les surveillants tremblaient devant cet homme toujours menaçant, et n’osaient plus aller causer avec les otages, qui furent assujettis au régime du secret le plus absolu. Les efforts que Mme Coré, que Mme Braquond persistaient à faire pour apporter quelque adoucissement aux détenus, restaient infructueux, et lorsque l’on faisait observer à Garreau que l’archevêque était souffrant, que M. Bonjean était faible, il disait : « S’ils ne sont pas satisfaits, ils n’ont qu’à crever, ce sera un bon débarras ! » Donc tous les otages, magistrats, prêtres, pères jésuites, pères de Picpus[1], commissaires de police, directeur de prison, banquier mexicain, séminaristes, vivaient sous la main brutale de Garreau, qui ne leur ménageait pas les angoisses. Dans les jours qui précédèrent la chute de la Commune ils durent quelques heures d’apaisement et d’espérance à un homme de bien resté fidèle à son devoir. Si le président Bonjean, comme l’un des plus hauts magistrats du pays, n’avait reculé devant aucun sacrifice pour affirmer le droit et la justice, M. Edmond Rousse, bâtonnier de l’ordre des avocats, n’avait point déserté le poste auquel son caractère autant que son talent l’avait appelé. Il était décidé à ne jamais reconnaître les hérésies judiciaires de la Commune, mais il était résolu à prêter le secours de son éloquence à tout malheureux qui l’invoquerait. Il n’attendit pas que les

  1. 1610 francs déposés au greffe de Mazas par trois employés de la Congrégation de Picpus n’ont point été retrouvés.