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L’ARRIVÉE DES OTAGES.

L’administration normale avait, pendant le mois de janvier, expédié, par erreur, deux pièces de vin blanc à la prison des Jeunes-Détenus ; ces deux pièces étaient gerbées dans la cave, en attendant qu’on vint les reprendre. Clovis Briant les découvrit, les fit mettre en perce et les but en douze jours avec ses amis. Il avait abandonné la direction de la prison à son personnel, qu’il avait conservé, et ne s’occupait que d’opérations militaires ; c’est ce qui le perdit.

Jusqu’au dernier moment il tint tête sur les barricades du quartier aux troupes françaises ; il fut arrêté le 28 mai, au point du jour ; on avait déjà donné l’ordre de l’incarcérer, et il eût été épargné, lorsqu’un capitaine de fusiliers marins le fit fouiller. Dans un portefeuille rempli de papiers insignifiants, on découvrit le brouillon d’une dépêche ainsi conçue, et adressée au Comité de salut public : « Envoyez-moi des renforts ; faites brûler le quartier de la Bourse et je réponds de tout. » À cette heure, cela équivalait à un arrêt de mort ; il fut immédiatement exécuté.

L’histoire de la Grande-Roquette est moins simple ; car cette prison, qui reçoit les condamnés avant leur départ pour les maisons centrales ou pour le bagne, qui garde un quartier spécialement réservé aux condamnés à mort, fut la dernière étape des otages destinés à mourir. L’homme qui eut à la diriger méritait toute confiance de la part des gens de la Commune. C’était un emballeur, nommé Jean-Baptiste-Isidore François, que la protection et l’amitié d’Augustin Ranvier, directeur de Sainte-Pélagie, avaient fait élever à ce poste. Il fut implacable et fit le mal avec une sorte d’énergie fonctionnelle qui semblait inhérente à sa nature. Se défiant de son personnel d’employés, il avait pris à la maison des Jeunes-Détenus un surveillant, nommé Ramain, à la fois irascible et cauteleux, pour en faire son brigadier.