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LA GRANDE-ROQUETTE.

Ces deux hommes aidèrent sans scrupule à tous les crimes qui leur furent demandés.

La haine dévorait François ; pour lui les gendarmes étaient moins que des galériens ; l’idée qu’il existait des prêtres l’affolait. « Voilà quinze cents ans, disait-il, que ces gens-là écrasent le peuple, il faut les tuer ; leur peau n’est même pas bonne à faire des bottes ! » Son ignorance, ses instincts mauvais, son immoralité en faisaient un homme dangereux en temps ordinaire et terrible en temps d’insurrection. François et quelques acolytes de sa trempe gardaient avec soin la Grande-Roquette, non point dans les bureaux de la direction, mais de l’extérieur, chez le marchand de vin qui est au coin de la place et de la rue Saint-Maur. Les bombances, du reste, ne languissaient pas ; comme Clovis Briant, François aimait à traiter ses collègues et à deviser après boire, à côté de la table, dessus ou dessous, des grandes destinées qui s’ouvraient pour le peuple français régénéré par la Commune. Lorsqu’il n’était pas trop gris, il allait, le soir, dans les clubs, et ce qu’il y entendait ne le rappelait guère à la mansuétude.

Les premiers temps qui suivirent la journée du 18 mars furent assez calmes à la Grande-Roquette. En outre de deux cent trente individus légalement condamnés[1], la prison ne contenait guère que des gendarmes et des sergents de ville, arrêtés à Montmartre. Ces braves gens, appartenant à l’élite de l’armée, avaient été si cruellement insultés, frappés, maltraités, qu’ils en avaient conservé un affaissement étrange. Toute force de résistance semblait les avoir abandonnés : l’idée

  1. « Le nombre des détenus s’élève à 230, dont 2 condamnés à mort. Le directeur Brandreith refuse de reconnaître le Comité central ; le greffier refuse tout service. Il y avait en caisse 736 francs, qu’on a refusé de me remettre. » Extrait d’une lettre de François à Raoul Rigault en date du 24 mars 1871.