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L’ARRIVÉE DES OTAGES.

d’un massacre dont ils seraient victimes les épouvantait et les avait rendus faibles comme des enfants malades. On put le constater à l’heure suprême : nul d’entre eux n’essaya de se soustraire à la mort, ou de lutter contre les assassins ; ils surent mourir et ne surent pas se faire tuer. Malgré le brigadier Ramain, les surveillants étaient fort bons pour les gendarmes, recevaient leur correspondance sans la faire passer par le greffe, leur prêtaient des journaux et ne les laissaient pas manquer de tabac. Quant au vin, les otages pouvaient en avoir lorsque François n’avait pas bu celui de la cantine.

Le personnel des gardiens était remarquable, très dévoué, plus encore que dans nulle autre prison. Cela se comprend : la Roquette renferme en temps normal des criminels fort dangereux, presque toujours exaspérés d’être condamnés à subir bientôt le régime des maisons centrales et rêvant d’y échapper en commettant quelque nouveau méfait qui pourrait leur valoir la déportation ; pour veiller sur ces malfaiteurs prêts à tout, il faut des hommes disciplinés, énergiques et en même temps très justes, car ils ne doivent jamais fournir prétexte aux sévices dont trop souvent ils sont les victimes. La Commune trouva donc à la Roquette un groupe de surveillants animés d’un excellent esprit ; elle crut s’en être rendue maîtresse en leur imposant François, qui leur infligea Ramain ; mais elle avait compté sans leur courage, et ce sont eux qui se sont opposés aux derniers massacres projetés. Elle se trompait souvent sur la qualité des hommes qu’elle appelait à la servir, elle en eut la preuve sans sortir du dépôt des condamnés.

Un homme, que nous appellerons Aimé, y subissait une peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée contre lui pour faits de banqueroute frauduleuse. Il était entré en prison à une époque voisine de la guerre