Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/27

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présence, deux sœurs ennemies qui se haïssaient cordialement : l’une qui sollicitait d’être menée contre les troupes de la Prusse, l’autre qui se réservait pour une insurrection espérée. Tout le monde parlait à cette garde nationale ; on la grisait d’éloges, on l’enivrait de grands mots, et Dieu sait ce qu’on lui disait. « Soyez terribles, ô patriotes ! s’écriait Victor Hugo ; arrêtez-vous seulement, quand vous passerez près d’une chaumière, pour baiser au front un petit enfant endormi ! » Et cela trois jours après que ces « patriotes terribles » avaient abandonné le Mont-Valérien.

Nulle volonté énergique, nulle intelligence, pendant ces mauvais jours ; Paris, séparé de la France, s’attendait d’heure en heure à être délivré par la province[1]. Deci delà on enlevait quelques ballons, mais il n’en revenait jamais, et cette ville, où d’habitude affluent tous les bruits de l’univers, environnée maintenant de silence extérieur, s’étourdissait aux rumeurs de ses propres illusions. La nouvelle de la capitulation de Metz, apprise aux avant-postes par un chef d’ambulance pendant une suspension d’armes destinée à favoriser l’enlèvement des morts, racontée par lui à deux personnages naturellement insurrectionnels et transmise à un journaliste habituellement furibond, amena le 31 octobre : journée honteuse qui prolongea inutilement la guerre pendant trois mois et permit aux Allemands de reconnaître avec certitude le mal dont Paris était rongé. Il est à remarquer que pendant cette guerre, toutes les fois que l’ennemi nous fait une blessure, le parti révolutionnaire nous en fait une autre. Cela commence le 17 août, lorsque l’on apprend l’en-

  1. Ce qui n’empêchait pas le général Trochu de dire, le 27 octobre : « Ce n’est pas la France qui sauvera Paris, c’est Paris qui sauvera la France. » (Rapport de M. Chaper sur les procès-verbaux des séances du gouvernement de la Défense nationale, p. 50.)