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LA GRANDE-ROQUETTE.

politique pour servir sa cause, mais qui devait hésiter à conseiller un crime inutile, dont le résultat ne pouvait que rendre son parti méprisable et compromettre l’avenir.

Là, dans cette mairie encombrée d’officiers qui venaient demander de l’argent, de blessés qu’on apportait, de munitions entassées partout, de tonneaux de vin que l’on roulait à côté des tonneaux de pétrole et des tonneaux de poudre, assourdi par le brouhaha des batailles et les clameurs de cent personnes criant à la fois, on établit une cour martiale. Un vieillard inconnu et qui était, dit-on, sordide, un officier fédéré qui, dit-on, était ivre, composèrent un tribunal sous la présidence de Gustave-Ernest Genton. Ce Genton était un ancien menuisier, ayant un peu sculpté sur bois, dont la Commune avait fait un magistrat, et qu’à la dernière heure elle abaissait au rang de président de sa cour martiale. Qu’une cour martiale soit instituée par une insurrection pour se débarrasser d’adversaires pris les armes à la main, cela peut jusqu’à un certain point s’expliquer ; mais juger et faire exécuter des prêtres, des magistrats arrêtés depuis deux mois, qui n’ont même pas eu la possibilité de combattre la révolte, c’est incompréhensible et demeure un des faits les plus extraordinaires de l’histoire.

Genton était un lourd garçon, ordinairement paresseux, de taille petite, épais, gros, à face brutale avec les yeux saillants, la lèvre inférieure proéminente comme celle des ivrognes de profession, portant toute la barbe et une chevelure grisonnante. Il y eut une discussion dont plus tard, devant le 6e conseil de guerre, on essaya de se prévaloir en la déplaçant. On a prétendu que le premier ordre d’exécution transmis à la Roquette concernait soixante-six otages et qu’il avait été modifié sur les instances du directeur François. C’est là une