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LA MORT DES OTAGES.

Les fédérés du peloton amené par Genton s’étaient mêlés à ceux de Vérig. Un surveillant nommé Henrion s’approcha d’eux et, parlant à un groupe de Vengeurs de Flourens, il leur dit : « Prenez garde, ce sont des assassinats que vous allez commettre, vous les payerez plus tard. » L’un d’eux répondit : « Que voulez-vous ? Ce n’est pas amusant ; mais nous avons fusillé ce matin à la Préfecture de police, maintenant il faut fusiller ici ; c’est l’ordre. » Henrion reprit : « C’est un crime. — Je ne sais pas, répliqua le vengeur ; on nous a dit que c’étaient des représailles, parce que les Versaillais nous tuent nos hommes. » Henrion s’éloigna et rentra dans le vestibule, à côté du greffe, car il était de service. Genton revint au bout de trois quarts d’heure, il n’avait pas l’air content ; il est probable que Ferré l’avait réprimandé pour n’avoir pas procédé malgré la demi-opposition de François. Celui-ci prit l’ordre d’exécution nominatif cette fois et approuvé ; il dit : « C’est en règle, » et « sonna au brigadier ». Ramain arriva ; François lui remit la liste, en lui disant : « Voilà des détenus qu’il faut faire descendre par le quartier de l’infirmerie. »

Ramain appela Henrion, celui-ci se présenta. Ramain lui dit : « Allez ouvrir la grille de la quatrième section. » Henrion répondit : « Je vais chercher mes clefs ! » Ses clefs, il les tenait à la main ; il s’élança dehors, jeta les clefs derrière un tas d’ordures et prit sa course comme un homme affolé. L’idée du massacre que l’on préparait lui faisait horreur. D’une seule haleine, il courut jusqu’à la barrière de Vincennes, put passer grâce à un mensonge appuyé d’une pièce de vingt francs, se jeta à travers champs et arriva à Pantin couvert de sueur et de larmes. Des soldats bavarois le recueillirent ; il ne cessait de sangloter en répétant : « Ils vont les tuer ! ils vont les tuer[1] ! »

  1. Voir Pièces justificatives, no  9.