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LA GRANDE-ROQUETTE.

« Ô ma femme bien-aimée ! ô mes enfants chéris ! » Était-ce-donc un de ces mouvements de faiblesse naturels aux cœurs les plus fermes ? Non, cet homme incomparable fut héroïque jusqu’au bout ; mais il espérait que ses paroles seraient répétées, parviendraient à ceux qu’il aimait et leur prouveraient que sa dernière pensée avait été pour eux.

Sous la conduite de Ramain, le cortège descendit l’escalier de secours, et, parvenu dans la galerie qui côtoie les cellules des condamnés à mort, rejoignit le premier détachement des fédérés. Là on s’arrêta pendant quelques instants. Mégy, montrant le petit jardin, disait : « Nous serons très bien ici. » Vérig insistait afin que l’on allât plus loin, et, comme pour trouver un auxiliaire à son opinion, cherchait François des yeux ; François n’avait pas suivi les otages, il était retourné au greffe. On agita devant ces malheureux la question de savoir si on les fusillerait là ou ailleurs. Ils avaient profité de cette discussion pour s’agenouiller les uns près des autres et pour faire une prière en commun. Cela fit rire quelques fédérés, qui les insultèrent. Un sous-officier intervint : « Laissez ces gens tranquilles, nous ne savons pas ce qui nous arrivera demain. »

Pendant ce temps, Vérig, Genton et Mégy étaient enfin tombés d’accord : là on serait trop en vue. Ramain ouvrit la petite porte donnant sur le premier chemin de ronde ; l’archevêque passa le premier, descendit rapidement les cinq marches et se retourna. Lorsque ses compagnons de martyre furent tous sur les degrés, il leva la main droite, les trois premiers doigts étendus, et il prononça la formule de l’absolution : Ego vos absolvo ab omnibus censuris et peccatis ! Puis, s’approchant de M. Bonjean, qui marchait avec peine, pour les causes que nous avons dites, il lui offrit son bras. Toujours