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LA MORT DES OTAGES.

précédé par Ramain, entouré, derrière et sur les flancs, par les fédérés, le cortège prit à droite, puis encore à droite, et s’engagea dans le long premier chemin de ronde qui aboutit près de la première cour de la prison. En tête, un peu en avant des autres, marchait l’abbé Allard, agitant les mains au-dessus de son front. Un témoin, parlant de lui, a dit : « Il allait vite, gesticulait et fredonnait quelque chose. » Ce quelque chose était la prière des agonisants qu’il murmurait à demi-voix. Tous les autres restaient silencieux.

On arriva à cette grille que l’on appelle la grille des morts et qui clôt le premier chemin de ronde ; elle était fermée. Ramain, qui était fort troublé, malgré qu’il en eût, cherchait vainement la clef au milieu du trousseau qu’il portait. À ce moment, Mgr Darboy, moins peut-être pour disputer sa vie à ses bourreaux que pour leur épargner un crime, essaya de discuter avec eux. « J’ai toujours aimé le peuple, j’ai toujours aimé la liberté, » disait-il. Un fédéré lui répondit : « Ta liberté n’est pas la nôtre, tu nous embêtes ! » L’archevêque se tut et attendit que Ramain eût ouvert la grille. L’abbé Allard se retourna, regarda vers la fenêtre de la quatrième section et put apercevoir quelques détenus qui les contemplaient en pleurant. On tourna à gauche, puis tout de suite encore à gauche, et l’on entra dans le second chemin de ronde, dont la haute muraille noire semblait en deuil. Au fond s’élevait le mur qui sépare la prison des terrains adjacents à la rue de la Folie-Regnault.

C’était l’endroit que François et Vérig étaient venus reconnaître ensemble dans la journée du 22. Il était bien choisi et fermé à tous les regards ; c’était une sorte de basse-fosse en plein air, propre aux guets-apens. Ramain s’en était allé. Les victimes et les meurtriers restaient seuls en présence, sans témoin qui plus