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JEAN-BAPTISTE JECKER.

repos des détenus, on ne s’en était plus inquiété. La cellule qui avait été ouverte était celle de Jecker. On se rappelle que, la veille, Genton, dressant la liste des otages, avait inscrit le nom du banquier, puis l’avait biffe, et remplacé par celui de l’abbé Deguerry. Ceci était un fait réfléchi dont il serait facile d’expliquer le mobile. Pour les politiques de cabaret auxquels appartenaient les gens de la Commune, la guerre du Mexique avait rapporté une prodigieuse quantité de millions à ceux qui l’avaient fomentée et entreprise. Or Jecker en avait été pour ainsi dire le principal promoteur ; donc, il avait tant de millions qu’il ne savait qu’en faire. Il avait déjà été tâté par François, qui, d’un air dégagé, lui avait dit : « Bah ! vous ne seriez pas embarrassé de donner quelques centaines de mille francs pour être libre. » Jecker avait répondu : « Pour cela il faudrait les avoir[1]. »

Genton pensa-t-il à une rançon de prisonnier comme au temps de la chevalerie ? Voulait-il simplement tuer Jecker ? Nous ne saurions rien dire de positif à cet égard, nous ne pouvons que constater le meurtre. Tout ce que nous affirmons avec certitude, c’est que c’est à Genton lui-même que le malheureux Jecker fut livré ; un des registres de la Grande-Roquette en fait foi, car il porte de la main même de François l’annotation suivante : « Jecker, Jean-Baptiste, prévenu ; par ordre de la Commune remis au président de la cour martiale. » Or le président de la cour martiale était Genton. Il ne mit pas beaucoup de personnes dans sa confidence, il vint avec deux amis et prit Vérig, en passant, au poste d’entrée. Quatre exécuteurs, c’était peu pour un personnage auquel on accordait tant d’importance, mais c’était assez si l’on ne voulait pas éveiller trop de con-

  1. Jecker ne mentait pas en disant cela. Voir Pièces justificatives, no  10.