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JEAN-BAPTISTE JECKER.

des surveillants un sentiment de révolte qui se manifesta par des paroles de menace. Henrion s’était sauvé la veille, Beaucé n’avait pas reparu depuis le matin ; Ramain fut inquiet, il craignit que ses subordonnés ne refusassent de lui obéir ; il prévint François, qui entra en fureur et fit venir la plupart des gardiens. Il fut brutal : « On a fusillé les prêtres, on a bien fait ; on a fusillé le banquier mexicain, c’est qu’il l’avait mérité ; on fusillera les gendarmes, qui sont des voleurs, on fusillera les anciens sergents de ville, qui sont des assassins, et si les surveillants ne font pas régulièrement leur service, on les fusillera aussi, pour leur apprendre. »

Les surveillants ne se le firent pas répéter ; mais trois d’entre eux, Pinet, Bourguignon, Gôttmann, se demandèrent si l’heure n’était pas venue de tenter un coup de main à l’aide des otages militaires pour sauver ceux-ci et fuir cette maison maudite. On s’abandonna d’abord à des idées romanesques : percer un trou dans les murs de ronde, forer les caves et tâcher de trouver une galerie d’égout. Rêveries de roman qui, pour être seulement essayées, exigeaient un temps considérable et dont le dénouement n’eut même pas été incertain. Après de longues discussions dans le guichet central où les trois surveillants s’étaient réunis, ne sachant plus ce que devenait l’armée française qu’ils attendaient vainement depuis trois jours, ignorant si l’état d’angoisse où tout le monde se débattait n’allait pas se prolonger encore, ils s’arrêtèrent à un projet qui, bien mené, avait quelque chance de réussir ; il ne s’agissait que d’avoir beaucoup d’audace.

Depuis le 22 mai, le poste des fédérés occupant la porte d’entrée sous le commandement de Vérig comprenait environ trois cents hommes ; mais la plupart de ceux-ci s’en allaient le soir coucher à leur domicile