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LA GRANDE-ROQUETTE.

74e bataillon, que commandait un certain Devarennes. Émile Gois, qui ne se sentait pas en force pour maintenir les otages si ceux-ci avaient tenté de résister, demanda à Devarennes de lui donner quelques hommes pour grossir son peloton. Une compagnie entière, sous les ordres d’un nommé Dalivoust, qui en temps normal était couvreur, mais qui en temps d’insurrection faisait le métier de capitaine d’infanterie, se massa autour des gendarmes, et commença à gravir, avec eux, la longue chaussée de Ménilmontant. Cette partie du trajet fut encore relativement douce ; nulle injure ne fut adressée aux otages. Pendant quelques instants, ils purent se rassurer ; à voir la tranquillité bienveillante des personnes qui les regardaient, ils durent croire qu’on ne les avait pas trompés et qu’en effet on les transférait à la mairie de Belleville. Un seul prêtre fut malmené, le père Tuffier de Picpus sans doute, qui, vieux et n’avançant que lentement, fut insulté par les fédérés de l’escorte. On a dit que Paul Seigneret avait offert son bras à un ecclésiastique âgé qui paraissait souffrant ; il est probable qu’il soutenait et qu’il a soutenu jusqu’au bout de cette voie douloureuse la marche hésitante du père Tuffier.

Dès que l’on eut pénétré dans la rue de Puebla, on se trouva au milieu d’une population hostile. Quelques pierres furent jetées au milieu des otages et l’on cria : « À mort les calotins ! » Tout le ramassis des vagabonds en armes, toute l’écume de la bataille, tous les enfants perdus, les lascars, les vengeurs, les déserteurs s’étaient réfugiés sur les hauteurs de Belleville et de Ménilmontant. Sur la place qui s’étend devant le marché, une masse énorme de curieux regardaient le panorama de Paris embrasé. Le retentissement du canon bruissait comme une tempête et montait dans les airs sur un nuage de fumée. Le spectacle avait sa grandeur, l’es-