Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
309
LA JUSTICE DU PEUPLE.

corte s’arrêta à le contempler. À ce moment, on fut rejoint par des fédérés qui arrivaient des Buttes-Chaumont, où ils avaient été battus. Ils crièrent « Livrez-nous les prisonniers, nous allons les fusiller. » Le mot de prisonniers fut accepté immédiatement par la foule qui suivait les otages et l’on raconta que c’étaient des gendarmes, des gardes de Paris et des prêtres que l’on avait pris sur la barricade de la rue Sedaine au moment où ils tiraient sur « le peuple ».

La mairie, — aujourd’hui détruite, — du xxe arrondissement, faisait vis-à-vis à l’église Saint-Jean-Baptiste, prenait façade sur la rue de Paris et avait une large entrée dans la rue des Rigoles, rue étroite et resserrée qui fait suite à la rue de Puebla. À côté d’un lavoir qui existe encore (1877), un groupe d’officiers fédérés réunis autour de la Commune, réfugiée à l’ancienne Ile-d'Amour, se tenait devant la porte latérale de la mairie. Gabriel Ranvier était là, chamarré de son écharpe rouge et regardait venir le cortège. S’adressant à Émile Gois, il lui dit : « Fais entrer tous ces gens-là ici. » Au moment où les otages passèrent devant lui, il leur cria : « Vous avez un quart d’heure pour faire votre testament, si cela vous convient ! » Le bruit se répandit, avec une extraordinaire rapidité, que l’on venait d’amener des prisonniers faits sur les barricades et qu’on les allait fusiller. Ce fut une grande joie dans tout le quartier ; les cabarets vomirent leurs buveurs, les postes lâchèrent leurs soldats, et bientôt il y eut devant la mairie une masse d’individus armés : au moins quinze cents, ont dit quelques témoins ; plus de deux mille, ont dit les autres. Au bout de vingt minutes environ, les otages sortirent : le maréchal des logis Geanty le premier ; puis vingt-sept gardes de Paris, dix gendarmes, les quatre « civils », les prêtres et le pauvre petit Seigneret, bien pâte, mais soutenant toujours le père Tuffier.