Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
311
LA JUSTICE DU PEUPLE.

ils avaient peur d’être massacrés et espéraient encore qu’ils ne seraient que fusillés. Cette épouvante de la douleur prolongée semble avoir hanté l’esprit de ceux qui ont été assassinés par la Commune. La dernière parole de Jecker fut : « Ne me faites pas souffrir ! »

Autour d’eux on chantait, on dansait, on criait ; la foule était parvenue à cet état de paroxysme qui enlève la conscience de soi-même et des actes que l’on va commettre. Il n’y avait plus là en présence que des jouets humains que l’on allait torturer pour « s’amuser » et des furieux devenus incapables de distinguer le bien du mal. Cette sorte de folie, c’est la maladie des foules qui sont des agglomérations nerveuses où la sensation subite, la brusque impression tiennent lieu de sentiment et de raisonnement. À la croix formée par l’intersection de la rue de Paris et de la rue Haxo, la tête du cortège s’arrêta, la queue continua à marcher, et il y eut une confusion qui permit à des enfants de se rapprocher des otages et de les frapper. On fit halte et tout le monde se mit à parler à la fois. Il s’agissait de savoir où l’on conduirait les victimes pour les mettre à mort. Les uns voulaient, tournant à gauche, prendre le bas de la rue Haxo et aller les tuer à la porte du Pré-Saint-Gervais ; les autres, demandant à continuer la rue de Paris, proposaient la place des Trois-Communes devant la porte de Romainville. On se disputait, lorsqu’une voix cria : « Allons au secteur ! » Ce nouvel avis fut adopté et la tourbe, obliquant à droite, entraîna les malheureux avec elle.

Pendant le siège, l’état-major du deuxième secteur avait été installé dans quelques petites maisons construites près d’un terrain mi-jardin, mi-potager, et qui formaient ce que l’on appelait la cité de Vincennes. Cette cité existe encore et porte aujourd’hui le no  83 de la rue Haxo. Les officiers avaient conservé l’habitude de