Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/35

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justifiée, mais qui n’en eut pas moins une influence détestable sur les événements dont on était menacé. On était las d’avoir été enfermé, d’avoir vécu en dehors du monde pendant plus de cinq mois ; on avait hâte d’aller retrouver les siens que l’on avait éloignés au moment du péril, on voulait sortir de cette ville tumultueuse où les clairons sonnaient à toute heure ; on croyait le danger passé, on s’était sacrifié au devoir, sans profit pour la cause que l’on avait défendue ; on voulait aller savoir pourquoi « l’égoïste province », ainsi que disait le président Bonjean, n’était pas venue sauver sa capitale. Aussi tous ceux qui pouvaient partir laissèrent la ville abandonnée sans contre-poids, livrée à elle-même, c’est-à-dire des éléments de colère, de désespoir et de désordre. Le colonel Montagut évalue à 100 000 le nombre des gardes nationaux dévoués à l’ordre qui, après l’armistice, allèrent rejoindre leur famille dans les départements. Quand l’heure de la résistance fut venue, on les chercha vainement ; ils n’étaient point de retour.

Lorsque M. Jules Favre débattait les conditions de l’armistice avec M. de Bismarck, celui-ci fit une proposition qui prouve à quel point il était renseigné sur l’état moral de Paris. Depuis cette époque, nous avons appris que chaque matin, vers cinq heures, le chancelier du futur empire d’Allemagne recevait, à son domicile de Versailles, un exemplaire des journaux qui étaient mis en vente à Paris entre sept et huit heures. Il avait pu ainsi, indépendamment des relations d’un ordre spécial qu’il avait eu l’habileté de se ménager, savoir à quoi s’en tenir sur les projets et les rêves de la population parisienne. Animé d’un bon sentiment ou de la crainte de voir les préliminaires de la paix repoussés par la garde nationale de Paris, il offrit à M. Jules Favre de désarmer celle-ci. « Je donnerai, dit-il,