Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/39

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qui se faisaient des rentes en touchant la solde de 1500 hommes quand ils en avaient à peine 800 ; il y en a qui ont dû faire fortune. » Ceci est strictement vrai. Ce qui a souffert pendant le siège, souffert sans se plaindre, c’est le petit rentier, le mince employé, c’est l’ouvrier ou le contre-maitre, empêche par une infirmité physique de faire acte de présence au poste, c’est le vieux domestique congédié, c’est l’institutrice sans salaire, la veuve ou la fille pauvre ; c’est la demi petite bourgeoisie en un mot, qui, ne pouvant acheter ni vin, ni viande, ni bois, ni charbon, mourait de froid et d’anémie. Ceux-là, oui, ils ont été héroïques, et jamais la France n’aura pour eux assez de gratitude, car c’est dans l’espoir qu’elle ne serait pas amoindrie qu’ils ont supporté leur passion.

Pendant le siège, l’Américain Burnside, qui, en nous regardant, oubliait trop volontiers la guerre de sécession, avait dit à M. de Bismarck : « Paris est une maison de fous habitée par des singes ! » Il n’eut pas raison et manquait à la vérité. Il ne parlait, et a coup sûr ne pouvait parler que de ce qu’il avait aperçu dans les carrefours et sur les places publiques ; là, certainement, il avait vu des braillards avinés chanter la Marseillaise, et exiger pour les autres un effort militaire auquel ils ne se seraient pas associés ; mais s’il eût entr’ouvert les maisons et poussé les portes, il eût reconnu à l’œuvre le vrai peuple de Paris, celui qui fait sa gloire, celui qui est son honneur ; il l’eût vu résigné, laborieux, prêt a tout endurer pour sauver sa ville, ne demandant qu’a mourir pour la racheter, et