Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/40

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s’étonnant que son bon vouloir, son intrépidité contre le sort contraire, son désir de braver la mort, soient restés stériles. Ceux-ci, lorsque l’acte de capitulation fut signé, pleurèrent sur la patrie mutilée, sur tant d’illusions, sur tant de dévouement inutile ; les autres, — les fous et les singes, — ceux qui, après avoir été des gardes nationaux immobilisés, allaient bientôt devenir des fédères d’avant-postes, ceux-là regrettèrent les loisirs du corps de garde, les libations et les causeries socialistes, où l’on s’indignait à la pensée que l’obélisque, tout posé, revient à quatre francs la livrer[1].

Un homme d’un grand talent, qui fut partout alors où il y eut danger à courir, M. Alphonse Daudet, a donné, dans le style vif et familier qui lui est propre, une impression tellement juste, qu’il convient de la citer : « Et dire que pour certaines gens ces cinq mois de tristesse énervante auront été un évènement, une fête perpétuelle, depuis les baladeurs de faubourg, qui gagnent leur 45 sous par jour à ne rien faire, jusqu’aux majors à sept galons, entrepreneurs de barricades en chambre, ambulanciers de Gamache, tout reluisants de bon jus de viande, francs-tireurs fantaisistes et n’appelant plus les garçons qu’à coups de sifflet d’omnibus, commandants de la garde nationale logés avec leurs dames dans des appartements réquisitionnés, tous les accapareurs, tous les exploiteurs, les voleurs de chiens, les chasseurs de chats, les marchands de pieds de cheval, d’albumine, de gélatine, les éleveurs de pigeons, les propriétaires de vaches laitières, et ceux qui ont des billets chez l’huissier, et ceux qui n’aiment pas payer leur terme, pour tout ce monde-là, la fin du siège est une désolation peu patriotique. Paris ouvert, il va falloir rentrer dans le rang, travailler, regarder

  1. Proudhon, Correspondance, t. Ier, p. 120.