Page:Du Camp - Mémoires d’un suicidé.djvu/5

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homme qui les a écrites n’avait si nettement senti lui-même par où il péchait et s’il n’avait toujours indiqué le remède du mal dont il souffrait remède bien simple, à la portée de tous, et que son manque d’énergie l’empêcha de s’administrer à doses convenables. Ce rêveur qui vit sur sa propre substance jusqu’à l’épuiser, sait que le travail seul pourrait la’ renouveler et étayer ses facultés chancelantes ; il recule, il n’a pas le courage de saisir cet ami des bons et des mauvais jours ; il meurt misérablement, délaissé de lui-même, après avoir vécu inutile, improductif, funeste aux autres. Comme le moine de Saint-Bruno, il peut dire Justo judicio damnatus.

Jean-Marc était-il bien sain d’esprit ? en relisant ses mémoires, j’en ai douté. Il quitta la vie à trente ans, à cet âge particulièrement périlleux où le jeune homme n’est plus, où l’homme n’est pas encore, où le système nerveux cherche à prendre un équilibre définitif qu’il ne rencontre pas toujours. A cette heure climatérique, il n’est pas rare de voir la nature humaine saisie par l’étrange maladie que les