Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/112

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versèrent et le détruisirent sans que personne songeât à s’opposer à cet acte de vandalisme, dont le mobile a toujours été ignoré.

Cet accident tourna au bien de l’entreprise. Chappe se remit à l’œuvre, étudiant avec soin la forme des corps opaques afin de déterminer d’une façon certaine celle qui était le plus visible à travers l’espace. Après bien des tâtonnements, il se convainquit que la forme allongée remplissait toutes les conditions désirables ; il s’arrêta à une règle étroite, armée à chaque extrémité d’une aile pivotante ; il fit le dessin de sa machine, qui fut exécutée sous ses yeux par le mécanicien Bréguet. Ses frères avaient concouru à ses recherches techniques ; un de ses parents, Léon Delaunay, qui, ayant été consul de France en Portugal, avait quelque connaissance des chiffres diplomatiques, l’aida à composer un vocabulaire provisoire composé de 9 999 mots transmissibles par signaux. L’invention n’était pas parfaite encore, mais du moins elle pouvait déjà rendre d’importants services. Ce fut alors que Chappe en fit hommage à l’Assemblée nationale.

Pour prouver que sa découverte était pratique, il voulut recommencer ses expériences publiques et établit un nouveau poste à Ménilmontant, dans le parc de Lepelletier de Saint-Fargeau. L’époque était fort troublée : c’était après le 10 août ; le peuple de Paris, confiant parfois jusqu’à la sottise et souvent défiant jusqu’à la cruauté, était en proie à toute sorte d’inquiétudes ; partout il voyait des traîtres, et, ivre de ses premières heures de liberté, il s’abandonnait à la folie contagieuse des soupçons indéterminés. Dans l’appareil des frères Chappe, dans cette machine inconnue, de forme singulière, qui semblait animée d’un mouvement propre, qui remuait les bras toute seule et se démenait en l’air sans raison apparente, on vit un instrument destiné à corres-