Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/147

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murs, et tant bien que mal on a empilé un nombre exagéré d’employés qui, pour manœuvrer soixante-dix appareils, ont à peine chacun un espace de 60 centimètres carrés pour se mouvoir.

Après la salle de transit s’ouvre la salle de Paris ; celle-ci n’est pas composée de quatre chambres, mais de sept chambrettes semblables à celles que les poëtes peu difficiles sur le logement célèbrent dans leurs chansonnettes en parlant des charmes de leurs grisettes alertes, fraîches et proprettes. On y serait peut-être fort bien à vingt ans, à cet âge peu soucieux où l’on ne rentre chez soi que pour dormir, mais assurément on y est fort mal pour faire de la télégraphie. Cent vingt agents, divisés en deux brigades, sont là tout le jour, penchés au-dessus de quatre-vingt-dix appareils, déroulant la bande étroite de papier, juchés sur des chaises de paille, attentifs à tout signal, se dérangeant mutuellement toutes les fois qu’ils remuent, correspondant avec les quarante-huit postes dispersés dans Paris et avec toutes les stations du département de la Seine. Quelques-uns de ces jeunes gens, dont les traits pâlis annoncent la fatigue, ont un livre auprès d’eux, dans l’espoir de pouvoir lire si leur appareil reste immobile pendant quelques minutes. Aucun d’eux, j’en suis certain, n’a pu terminer le paragraphe commencé ; une dépêche arrive, puis une autre, puis une autre, et ainsi de suite et toujours, et avec un travail qui se modifie à chaque nouveau télégramme, travail différent de composition et de traduction qui rend les erreurs si faciles et cependant ne les multiplie pas trop. La salle de Paris ne ferme ni jour ni nuit ; sept employés restent de neuf heures à minuit et quatre de minuit à huit heures du matin ; ils correspondent avec les postes du Louvre, du Grand-Hôtel, de la Bourse et des gares de chemins de fer, qui ne sont jamais clos.