Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/179

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sont poinçonnées des lettres P. S. (préfecture de la Seine). Toute voiture qui n’a pas ces deux lettres près de son numéro et qui stationne sur la voie publique est en contravention.

Qui ne se souvient de ce fiacre monumental, de ce sapin, qui cahotait dans Paris aux jours de notre enfance ? On y montait par un marchepied de fer à six étages ; on s’installait tant bien que mal dans la boîte incommode couverte d’un velours d’Utrecht jaune, piquant comme un paquet d’aiguilles ; sous les pieds s’amoncelait une litière de paille qui ressemblait bien à du fumier, sentait le moisi et tenait les pieds humides ; les portières ne fermaient pas, les vitres étaient cassées ou absentes. Le cocher, toujours grognon, vêtu d’un carrick crasseux à sept collets, la tête enfouie sous un lourd bonnet de laine que coiffait un chapeau déformé, les pieds enfoncés dans de larges sabots, escaladait son siège après avoir allumé sa pipe, et fouaillait ses rosses, qui flottaient dans les harnais raccommodés avec des ficelles. On partait quelquefois, on n’arrivait pas toujours. Balançant leur tête amaigrie, remuant une queue dénudée, les chevaux s’ébranlaient au tout petit trot, mâchant un brin de foin resté fixé à leurs lèvres pendantes, et entraînaient cahin-caha la lourde machine, qui heurtait les pavés pointus avec un bruit de ferraille peu rassurant. Quand on était pressé, il était plus sage d’aller à pied. Si un de ces vieux fiacres qui nous reconduisaient jadis au collège apparaissait tout à coup dans les rues de Paris, il aurait son heure de célébrité, car il représenterait pour les voitures un spécimen antédiluvien des espèces disparues.

Aujourd’hui le fiacre, qu’il soit à deux ou à quatre places, est une voiture bien construite, peu élevée au-dessus du sol, garnie intérieurement de drap bleu, close, légère, attelée de chevaux qui se reposent au moins un