Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/293

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S’il en était ainsi au temps de Henri IV, qu’était-ce donc sous les rois de la première et de la seconde race ? Ces dures époques sont aujourd’hui passées pour toujours[1], mais elles ont laissé des traces profonds qu’on retrouve à chaque page dans les vieux mémoires. Dès que la navigation de la Seine est interdite, Paris s’émeut, s’affaisse et se désespère. C’était le fleuve nourricier par excellence, et jusque sur les marchés publics il déposait le blé, le vin, le bois et les fruits. Quand son cours était interrompu, il n’apportait plus que la famine, la contagion et la mort. C’est alors que le Bourgeois de Paris se lamente et accuse la dureté des temps : « Environ sept ou huit jours en mars (1415) fut Seine si cruel à Paris que un moulle de bûches valait neuf ou dix sols parisis. »

La Seine n’a réellement perdu son antique et considérable importance que dans ce siècle-ci ; pendant les jours troublés de la Révolution, quand le peuple affamé faisait queue à la porte des boulangers, c’est par elle que presque tous les subsides, vivres et munitions, arrivaient à Paris. Qui ne se rappelle l’anecdote racontée par Dussaulx ? Un bateau chargé de poudre de traite[2] arrive au port de la Grève ; le peuple lit poudre de traître sur le billet signé par le commandant Lassale et veut massacrer ce dernier immédiatement. Par le sang froid de La Fayette et non sans peine, ce malheureux fut sauvé.

D’où vient ce mot : la Seine ? Du celtique, dit-on. Squan, serpent ; sin-ane, la lente rivière ; sôgh-ane, la paisible rivière ; les Romains l’ont latinisé, selon leur habitude, et en ont fait Sequana. A-t-elle été une

  1. Pendant la période d’investissement, la Seine fut strictement fermée et surveillée avec soin par les armées allemandes ; dés le mois de février 1871. elle nous apporta de nombreux approvisionnements.
  2. C’était une poudre de qualité inférieure que l’État vendait aux capitaines de vaisseaux marchands qui faisaient la traite des nègres.