Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/307

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aperçut, leva la main comme pour dire adieu aux gens qui le contemplaient, et poussant son bras en avant, enfonçant sa tête dans l’eau, il accéléra son mouvement par une coupe vigoureuse. Le tourbillonnement le saisit et il disparut. Pendant deux heures, la foule resta stupidement, et je restai comme elle, les yeux fixés sur la rivière, espérant toujours qu’elle allait rendre sa proie. C’était un suicide. Je revins chaque jour demander si l’on avait retrouvé ce malheureux. Au bout d’une semaine la météorisation fit son effet ; le cadavre surnagea ; il fut repéché et porté à la Morgue. J’eus la triste curiosité d’aller l’y voir, et j’eus bien de la peine, dans le monstre verdâtre, gonflé et lippu que j’avais sous les yeux, à reconnaître le beau jeune homme qui s’était si élégamment élancé vers la mort.

La pompe avec son enchevêtrement de poutres et de madriers a été enlevée en 1858 ; cette suppression a rendu la navigation plus facile, mais néanmoins par les eaux trop basses ou trop rapides le passage est périlleux sous le pont Notre-Dame, et l’arche du Diable n’a que trop mérité son nom ; elle a vu sombrer bien des bateaux chargés de pierres et se rompre les coupons de bien des trains de bois. Mais la canalisation du petit bras de la Seine parisienne et le barrage écluse de la Monnaie ont ouvert une route meilleure aux mariniers, et le pont Notre-Dame est presque complètement délaissé aujourd’hui. Il était couvert de maisons comme les autres. Mercier raconte dans son Tableau de Paris que, le 2 janvier 1782, une débâcle imprévue entraîna l’énorme patache qui servait de bureau aux douaniers de la Seine ; emportée, elle brisa sur son passage tous les chalands qu’elle rencontra. Les débris se précipitèrent vers le pont Notre-Dame, « on ordonna de déménager sur l’heure. » une subite reprise de gelée sauva le pont et ses habitants. Mercier réclame le déblayage immé-