Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/368

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ment qu’on se rendrait ensemble près du capitaine pour lui demander une explication, et, avant tout, les secours les plus prompts.

Peu de minutes après arriva la nouvelle atterrante qu’un, que deux, que tous les trois ministres français avaient été assassinés par les soldats de l’empereur. La raison se refusait à trouver ce crime vraisemblable, le cœur ne le trouvait pas possible. — Non, non, c’est faux ! fut le cri universel. Cependant le désir de faire cesser le plus tôt possible un malheureux malentendu fit hâter les pas vers l’officier commandant. Il avait son quartier à peu près à vingt pas de la porte d’Ettlingen, à l’auberge dite la Lanterne. La garde de la porte s’opposa au passage de la société quoiqu’elle s’annonçât comme composée d’envoyés de cours royales et princières. Ce ne fut qu’avec la plus grande peine qu’on obtint qu’un bas officier nous annonçât. On demanda encore une fois quels envoyés nous étions, et on déclara avec une exactitude inquiète que seulement trois, quatre, six ministres pouvaient aller près du capitaine. Cet officier parut enfin. L’envoyé de Sa Majesté prussienne, comte de Goërtz, aussi soussigné, lui fit, au nom de tous, cette courte exposition : nous voudrions savoir quelles mesures il avait prises au bruit de l’affreuse nouvelle qui lui avait sans doute été portée. Il répondit qu’à la demande du ministre de Mayence, qui avait déjà été chez lui, il avait envoyé un officier avec deux hussards. Nous pensâmes que ce n’était pas suffisant, et nous l’engageâmes, au nom de tous les sentiments de l’humanité, au nom du bien de toute l’Europe, de l’honneur de la nation allemande, prêt à être taché par un crime sans exemple dans les annales des peuples civilisés, au nom de l’honneur de son auguste monarque, de l’honneur du service de Sa Majesté Impériale, de son propre honneur, au nom de sa vie, de faire, au plus vite, tout son possible pour sauver ce qui pourrait être encore à sauver, le capitaine répondit que c’était un malheureux malentendu ; que, sans contredit, les patrouilles rôdaient aux environs pendant la nuit, et qu’un pareil malheur pouvait facilement arriver ; que les ministres français n’auraient pas dû partir la nuit. On lui rappela qu’il avait refusé une escorte et dit au major de Harrant qu’il n’y avait rien à craindre pour la légation française. Il répliqua qu’il n’avait point eu ordre de donner une escorte, qu’on aurait dû la demander au commandant. Le conseiller de légation de Prusse, comte de Bernstorff, dit qu’il avait demandé lui-même au colonel, lorsqu’il avait été envoyé vers lui, s’il donnerait une escorte. Vous l’a-t-il accordée ?… fut la réponse du capitaine. L’envoyé de Danemark, soussigné, lui ayant ensuite rappelé la conversation qu’il avait eue avec lui, et dont nous avons parlé ci-dessus : Voulez-vous, dit-il, établir ici contre moi une inquisition ? Enfin, lorsque passant sur toutes les considérations qui devaient nous frapper après le traitement que nous étions obli-