Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/146

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le pavillon n° 12. Les huîtres se vendent peu et mal aux Halles, où elles ne sont apportées que depuis la suppression du marché spécial de la rue Montorgueil.

C’est un commerce tout particulier que celui-là, et malgré les efforts de l’administration, il reste soumis à certaines habitudes traditionnelles qui ressemblent bien à ce que jadis on appelait l’accaparement. Aux termes des règlements ministériels, la pêche ouvre le 1er  septembre et ferme le 30 avril ; mais avant de partir pour aller draguer les bancs désignés, les pêcheurs se sont entendus avec les représentants des marchands de Paris et ont fixé avec eux, d’un commun accord, le prix auquel l’huître future sera livrée. C’est une sorte de taxe consentie, dont la durée se prolonge pendant toute la campagne, quels que soient les résultats que l’on obtienne. Ce prix augmente d’année en année dans une progression excessive : en 1840, le mille valait 12 francs ; en 1850, 16 fr. 50 ; en 1860, 26 francs ; en 1868, il a atteint le chiffre de 71 fr. 90. La rareté des huîtres, la stérilité des bancs ne sont pas seules causes de cet accroissement de valeur ; les chemins de fer portent aujourd’hui cet aliment recherché, non-seulement dans l’intérieur de la France, mais en Allemagne et jusqu’en Russie. Les huitres d’Ostende, qui presque toutes arrivent du comté d’Essex, en Angleterre, ont disparu ou à peu près de nos marchés ; on les mange aujourd’hui à Vienne, à Pétersbourg et à Berlin. En 1868, Paris a consommé 25 496 752 huîtres, dont la majeure partie venait de Courseulles et de Saint-Waast ; les huîtres d’Ostende n’ont figuré que pour 5 350, et celles de Marennes pour le chiffre insignifiant de 58 300. C’est là, au grand préjudice de la population, un aliment précieux qui, par le prix élevé qu’il atteint, tend chaque jour davantage à n’être plus qu’une denrée de luxe et échappe forcément aux ressources de la plupart des Parisiens.