Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/162

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Toutes les autorisations furent donc annulées, puis immédiatement renouvelées, mais à la condition expresse que les permissionnaires auraient à parcourir un chemin pour ainsi dire tracé d’avance et calculé de telle façon que tous les quartiers, — riches et pauvres, — fussent chaque jour traversés par eux. Ce service, qui est d’une incontestable utilité, fonctionne aujourd’hui avec régularité, quoique les marchands des quatre saisons se mettent souvent en contravention et méritent plus d’avertissements qu’il ne faudrait.

Les sévérités administratives ne sont pas le plus grand mal qui les atteigne, car ils sont rongés par une plaie terrible : l’usure les dévore. La plupart sont pauvres, ils vivent au jour le jour, le bénéfice quotidien pourvoit aux nécessités quotidiennes ; ils logent en garni ; lorsqu’ils sont malades, c’est l’hôpital qui les reçoit, et quand la vieillesse les atteint trop durement, quand les infirmités s’abattent sur eux, ils vont demander asile aux établissements de bienfaisance. À leur pauvreté s’ajoute une imprévoyance qui n’est que trop commune dans le peuple de Paris. Pour eux, l’acquisition de la charrette à bras qui constitue tout l’outillage de leur métier serait une charge accablante et devant laquelle ils reculent presque toujours. Ils louent la petite voiture qui leur est indispensable, et, de plus, comme ils n’ont pas d’argent pour faire leur marché », ils empruntent 20 francs à des gens inconnus. Le soir même ils doivent rendre 22 francs : un franc pour la location de la charrette, un franc représentant l’intérêt de l’argent. C’est monstrueux, et cependant c’est pour ces malheureux le seul moyen de vivre. Les efforts n’ont pas manqué pour changer cet état de choses, mais ils ont échoué, se brisant contre l’insouciance des uns, l’âpreté des autres et surtout contre des habitudes invétérées. Quels