Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/164

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rité a relégué ces cuisiniers primitifs dans de petites boutiques où tant bien que mal ils persistent dans leur commerce. Le pont Neuf était autrefois le rendez-vous de ces fortes commères qui transportaient leur marchandise brûlante au milieu des passants.

Au siècle dernier, les cuisines en plein vent abondaient dans Paris : « Voyez, dit Mercier dans son Nouveau Paris, le long des bâtiments du Louvre, du côté de la Seine, ces frêles échoppes dont les toits sont à jour. C’est là que de laborieux hercules, que beaucoup d’hommes de peine viennent calmer leur faim pour un prix raisonnable. Des cordons de harengs enfilés qui sèchent au soleil attendent le gril ; c’est l’affaire d’un clin d’œil : viandes, boudins, œufs, merluches, tout se trouve mêlé dans le même plat ; la marmite bout devant la boutique entre deux pierres et est bientôt épuisée. » C’est là une industrie disparue ; de même que celle des rôtisseurs, dont on apercevait flamber les feux clairs au fond des boutiques sans fenêtres et qui animaient si bien la rue de la Huchette, qu’un ambassadeur turc ne pouvait se lasser d’aller les admirer. La multiplicité des cabarets, des restaurants de bas étage, des crémeries, de ces mille établissements douteux que l’argot moderne appelle des bouis-bouis et des caboulots a rendu inutiles ces cuisiniers fixes ou vagues qui emplissaient la ville de vociférations, de cris et de mauvaises odeurs. Il ne faut pas s’en plaindre : Paris y perd peut-être au point de vue d’un certain pittoresque trop débraillé, mais il gagne singulièrement sous le double rapport de la salubrité et de l’aspect.

Il y aurait une étude curieuse à faire sur les restaurants de Paris, depuis ceux du Palais-Royal et du boulevard des Italiens, où l’on dîne sobrement à 25 francs par tête, jusqu’à ceux des barrières où l’on peut trouver