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Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/218

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vait par an à 7 495 000 francs ; en 1868, elle arrive à 14 634 000 francs ; les deux boutiques spéciales de Paris ont, en 1868, vendu à elles seules pour 2 700 044 fr. 95 cent, de cigares. Le débit du boulevard de la Madeleine ne suffit pas aux demandes, la vente augmente tous les jours, et le local où il est installé est devenu si manifestement trop étroit, qu’il faut le changer ou l’agrandir au plus vite. Les cigares achetés tout faits à la Havane et provenant exclusivement des végas de la vuelta de abajo, qui est aux tabacs ce que la terre du Clos-Vougeot est aux raisins, sont expédiés directement à la manufacture du Gros-Caillou pour y être conservés jusqu’au moment de la vente, et aussi pour y être dégustés. Cette opération peut sembler étrange à première vue, mais elle est rationnelle. En effet, pendant la traversée, quoique ces cigares soient enfermés dans des boîtes séparées contenues toutes dans une caisse de zinc revêtue d’un coffre en bois, quelques avaries ont pu les atteindre, et ils ne sont plus alors dans les conditions normales que représentait le prix d’achat. Le public n’y trouverait pas son compte et serait en droit de se plaindre.

Toute partie de cigares de la même provenance et de la même espèce est déballée et répandue sur une grande table. Trois ingénieurs, dont l’un porte le titre de directeur de l’expertise, après les avoir examinés au point de vue de l’apparence et de la conservation extérieure, en prennent une vingtaine au hasard et les fument. Ils les fument non pour eux, mais pour les consommateurs, objectivement, comme on dirait en Allemagne. Ce travail doit s’accomplir sur les 350 espèces de cigares, gros ou petits, forts ou faibles, depuis les damas, qu’on sent à peine, jusqu’aux vegueros, qui emportent la bouche, chaque jour et sans désemparer : c’est à dégoûter du tabac pour la vie entière. On arrive, il paraît, à une telle délicatesse d’organe, qu’on peut re-