Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/255

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Le creuset est alors enlevé du milieu des charbons qui l’entourent de toutes parts ; on le place dans un cercle muni de deux longues barres de fer dont chacune est saisie par un ouvrier qui, marchant rapidement pour éviter le refroidissement du métal, verse ce dernier dans une lingotière qu’on a préalablement graissée avec soin. C’est du feu liquide qui coule, blanc comme du mercure, avec quelques fugitives nuances irisées. Parfois la fonte, rencontrant un peu d’humidité, rejaillit et semble l’éruption d’un volcan de Lilliput. Dans ce cas, les gouttes s’élancent éblouissantes de blancheur, deviennent roses à mesure qu’elles s’élèvent, rougissent brusquement lorsqu’elles descendent, tombent à terre, s’y roulent en mouvements convulsifs, s’imprègnent du poussier noir qui couvre le sol, et bientôt se confondent avec lui.

La lingotière est composée d’une série de moules de fer que le métal remplit, où il se fige, se durcit, et d’où on l’extrait à l’état de lame. Les lames d’argent sont d’un blanc sale et tacheté de noir ; les lames d’or sont d’une couleur magnifique, très-chaude, tirant sur le vermeil et rappelant les plus belles combinaisons des palettes vénitiennes. Les lingotières sont disposées de telle façon que dans la même on peut couler vingt lames d’un seul coup. Les bords des lames sont irréguliers, ils ont bavé à travers les interstices du moule et ressemblent assez bien à un énorme couteau ébréché. On les passe alors sur une cisaille circulaire qui avec certitude et rapidité enlève toutes les parties saillantes ; lorsque la lame est ainsi ébarbée, elle est portée à la salle des laminoirs.

Cette salle est bruyante, pleine d’engins retentissants que met en mouvement une machine à vapeur de quarante-six chevaux. Une série de laminoirs gradués reçoit successivement, comprime et écrase les lames qu’on y fait glisser. Quand une lame a passé douze fois sous les