Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/26

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arrêté qui défendait pendant une année de tuer des agneaux, des veaux ou des vaches encore jeunes. C’est toujours le même système de mesures répressives. Quant à la législation qui régissait les grains, elle était simple dans sa complexité, et l’on peut la résumer ainsi : il était défendu de ne pas vendre, il était défendu d’acheter ; si le producteur gardait son blé, si le consommateur achetait une provision supérieure à ses besoins ordinaires, ils étaient l’un et l’autre accusés d’accaparement, et dans ce cas il ne s’agissait de rien moins pour eux que de la corde.

Plus nous approchons de notre temps, plus les documents abondent et se pressent comme pour accabler le misérable système de l’ancien régime. Les témoignages contemporains sont unanimes et affirment que le dix huitième siècle tout entier ne fut qu’une longue disette : 1740, 1741, 1742, 1745, 1767, 1768, 1775, 1776, 1784, 1789, sont des années de famine. Les années précédentes n’avaient guère été meilleures, Barbier écrit : « Le peuple est dans les gémissements, car le pain est à sept, à huit sols la livre, encore en a-t-on avec grand-peine, et cela se fait par un manège qu’il y a sur le pain, car on défend aux fermiers d’amener du blé aux marchés. On ne délivre aux boulangers qu’une certaine quantité de farine ; on a prescrit la manière de faire du pain. » En effet, — et l’on aura aujourd’hui peine à le croire, — par arrêt du 21 août 1725, le parlement ordonnait de ne plus faire à l’avenir que deux espèces de pain : pain bis blanc, et pain bis. Barbier ne peut s’en taire, il devine quel serait le remède, et il ajoute : « Il y a des endroits ou le pain est à deux sols, et si la liberté était à l’ordinaire, il ne serait pas cher comme il l’est. » En 1740, le 22 septembre, la pénurie est telle qu’on ne distribue aux prisoniers de Bicêtre qu’une demi-livre de pain par tête, et quel pain ! Ils tentèrent de se révolter,