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néral des finances, expose à la chambre de commerce de Paris « que les laboureurs ne tiraient plus du prix de leurs travaux de quoi payer leurs impositions, leurs baux et leur propre subsistance ; que l’effet de l’abondance des dernières récoltes était préjudiciable au royaume, puisque les cultivateurs, surchargés par leurs propres richesses, qu’ils voyaient journellement dépérir sous leurs yeux malgré les soins qu’ils prenaient pour les conserver, et qui dégénéraient pour eux en de nouvelles charges, se voyaient forcés de réduire leur culture au seul nécessaire, et regardaient eux-mêmes la fertilité comme une augmentation de leur misère[1]. »

Le cultivateur était donc ruiné par l’abondance aussi bien que par la disette. M, de Choiseul, mû par un sentiment de justice, poussait aux réformes, et, le 19 juillet 1764, un édit fut proclamé qui établissait la liberté du commerce des céréales ; seulement l’importation des grains étrangers pouvait être interdite lorsque le blé français serait au-dessous d’une certaine valeur. Ce libre système fonctionna pendant six ans et fut brusquement interrompu par une ordonnance du 25 décembre 1770, qui remettait les choses dans l’ancien état.

Ce ne fut qu’au temps de Louis XVI et de Turgot[2] qu’on essaya de faire entrer définitivement la nation dans les voies fécondes de la concurrence. Turgot dit, dans l’arrêt du conseil du 15 septembre 1774 : « Plus le

  1. Collection Fontanieu, portefeuille 719, dépôt des manuscrits de la Bibliothèque nationale ; cité par Louandre, de l’Alimentation, etc. ; p. 65.
  2. « Il n’y a que M. Turgot et moi qui aimions le peuple, » disait Louis XVI. Il ne tarda pas cependant à se dégoûter de son ministre et on lui attribue ce mot grossièrement cruel : « Je crois toujours entendre appeler des chiens courants, quand on me parle de tous ces économistes. Turgot, Baudeau, Mirabeau. » Lorsque le Roi renvoya Turgot, celui-ci lui dit cette parole prophétique : « Un prince faible n’a le choix qu’entre le mousquet de Charles IX et l’échafaud de Charles Ier. »