d’un billet. Lorsque ce premier travail a été accompli, les billets sont rendus au chef de la comptabilité, qui les fait classer selon les différents alphabets auxquels ils appartiennent.
Dès lors le conseil décide qu’il y a lieu à annulation de tel ou tel alphabet, et avis en est donné au chef de la comptabilité, qui, sur le registre où la création du billet a été relatée, en face même de son acte de naissance, inscrit la date de sa mort ; les mois sont désignés par les signes correspondants du zodiaque[1]. Ainsi blessés par l’emporte-pièce, annulés par arrêt du conseil, portés comme défunts au livre de l’état civil, les billets sont enfermés dans de larges coffres de chêne où on les accumule les uns sur les autres, par ordre d’alphabet et de numéro. Ils reposent là, pendant trois ans, à l’abri des souris, qui ne peuvent parvenir jusqu’à eux, et ils exhalent une très-désagréable odeur de crasse, comme tout objet qui a passé dans des milliers de mains. Au bout de trois années révolues, on procède à l’incinération, opération dernière, formalité rigoureuse, mais qui ne détruit rien ; car le billet de banque est comme le phénix, il renaît de ses cendres.
Au milieu de la cour, située près de l’hôtel du gouverneur, à un endroit qu’on ne peut méconnaître, car les pavés noircis l’indiquent clairement, on amène un vaste brasero de fer sur les montants duquel est emmanchée une énorme caisse oblongue, arrondie, composée de deux tissus de mailles de fer, et qu’on manœuvre exactement comme un moulin à torréfier le café. On allume le feu, un bon feu, bien rouge, de sapin qui pé-
- ↑ On se sert des signes du zodiaque pour occuper moins de place sur le registre. La banque d’Angleterre a un autre système, qui est assez ingénieux. Elle a choisi un mot de douze lettres différentes : ambidextrous, et chacune des lettres correspond à un des mois de l’année. Les billets annulés en janvier sont indiqués a, en février m, et ainsi de suite.