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1811, elle n’a plus été modifiée, et nous la voyons aujourd’hui telle qu’elle était alors.

Cette halle est un bâtiment circulaire, lourd, épais, sans grâce et sans grandeur, qui n’a rien de curieux qu’un écho vertical d’une puissance et d’une rapidité extraordinaires, La colonne de Catherine de Médicis n’offre qu’un médiocre intérêt, malgré le très-remarquable escalier en vis qui en garnit l’intérieur ; elle ressemble au couteau de Jeannot, dont on refaisait le manche après y avoir adapté une nouvelle lame ; elle a été réparée si souvent que la mère des derniers Valois ne la reconnaîtrait plus. L’aspect intérieur de la coupole est désagréable ; Victor Hugo l’a définie d’un mot cruel, mais mérité : « Le dôme de la Halle au Blé est une casquette de jockey anglais sur une grande échelle. » Elle est supportée par vingt-quatre arcades plein cintre sans ornement qui donnent à cette immense salle un aspect singulièrement froid et monotone. Un double escalier conduit au premier étage, où sont situés les bureaux des employés de l’administration, et au second étage, qui sert de halle aux toiles.

Autant les marchés de Paris sont bruyants et animés d’une fiévreuse activité, autant celui-ci est calme et pour ainsi dire endormi. Des sacs de grains sont empilés, çà et là, les uns sur les autres ; d’autres sont entr’ouverts pour laisser apercevoir les lentilles, les haricots, les farines, les maïs qu’ils contiennent ; un sergent de ville ennuyé se promène les mains derrière le dos ; quelques forts causent entre eux, à demi couchés sur des bancs, le grand chapeau à leurs pieds, le bâton à clous de cuivre pendu au poignet ; quelques rares passants traversent, en prenant garde de ne point se blanchir, les ruelles ménagées entre les monceaux de sacs ; le long des piliers s’élèvent des baraques en bois louées à raison de 50 centimes par jour, et où des marchandes au détail