Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/95

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marque à différentes places d’une estampille spéciale ; sinon il est treipha (lacéré), c’est-à-dire interdit, et on le livre immédiatement aux chrétiens. Ces deux mots, qui sont de l’hébreu chaldaïque, ont subi quelque transformation en passant par la bouche des garçons bouchers ; on les a francisés, et à l’abattoir on les prononce invariablement coche et treifle. Le sacrificateur juif se contente d’égorger et de vérifier si l’animal remplit toutes les conditions exigées ; le reste ne le concerne plus et rentre dans les attributions des bouchers ordinaires.

D’un animal mort rien ne se perd, la sagace industrie sait tirer parti de tout. À l’abattoir même, dans la cour d’entrée, s’élève un pavillon divisé en deux compartiments, munis de larges chaudières, où l’on prépare les pieds de mouton et les têtes de veau, de façon à les mettre dans l’état où nous les voyons à la porte des boucheries, flottant dans un baquet plein d’eau de puits, car l’eau de rivière les noircit. Les graisses sont gardées avec soin ; on a même construit deux fondoirs dans l’enceinte de l’établissement ; mais, à ce qu’il parait, ils pèchent singulièrement sous le rapport pratique, car on n’est pas encore parvenu à les utiliser. La graisse de mouton, lorsqu’elle est de bonne qualité, est employée à faire de la stéarine, qui sert à la fabrication des bougies. Le pied de bœuf fournit une huile dont on use en horlogerie. Les gros intestins du bœuf sont achetés par les charcutiers, qui en enveloppent quelques-uns de leurs produits ; les intestins grêles sont expédiés en Espagne, où l’on sait en confectionner certains saucissons très-recherchés au delà des Pyrénées ; les intestins grêles du mouton deviennent des cordes de harpe ; les os font du noir animal. Tous les détritus absolument inutiles sont réunis au fumier et forment avec ce dernier un engrais assez recherché, car chaque année il